Marion Rouso : « le vrai leadership est éloigné des postures de dirigeant paternaliste »

Marion Rouso est Membre du Directoire de La Banque Postale, en charge de la Banque de Détail, DGA de la Branche Grand Public & Numérique, en charge de la distribution des produits bancaires et non bancaires. Nous l'avons interrogée sur sa vision de la parité.

Que représente la parité pour vous ?

La performance d’une entreprise dépend de sa capacité à avoir une vraie parité au plus haut niveau. Il y a une complémentarité entre les façons de penser et les modes de fonctionnement des femmes et des hommes. Sans parité, on est dans le domaine de la pauvreté intellectuelle. Entre clones, on ne se challenge jamais. Il est fondamental d’avoir de la mixité femmes/hommes, mais aussi de la diversité sociale, générationnelle, religieuse…

Diriez-vous que la parité est en progrès ?

On constate indiscutablement du progrès, sur le plan du droit, des initiatives, de la visibilité du sujet dans les médias et dans les entreprises. Mais malgré cela, nous avons une permanence des schémas de pensée stéréotypée qui constituent un carcan dès l’enfance, pour les deux sexes. L’éducation des filles et des garçons est un point clé mais il ne faut pas s’abriter derrière cela pour ne rien faire d’autre qu’attendre que de nouvelles générations plus égalitaires arrivent sur le marché du travail.

Les entreprises ont leur rôle à jouer aussi pour corriger les écarts et pour faire évoluer les mentalités. Nous avons un effort quotidien à fournir pour rester vigilant quand on recrute, quand on promeut, quand on augmente, quand on manage… Les progrès de l’égalité ne se font pas naturellement, ils se font quand on travaille incessamment à neutraliser les biais.

Pensez-vous que les femmes ont elles-mêmes leur part à faire, notamment en s’affirmant davantage ?

Le premier frein vient des femmes elles-mêmes. Elles se mettent des barrières, elles évoquent plus souvent que les hommes le syndrome de l’imposteur ou des questions de confiance en soi, elles ont davantage tendance à parler des contraintes (les horaires, l’articulation des temps de vie…) quand on leur propose une promotion.

Que faut-il faire pour lever les freins des femmes ?

Je crois beaucoup aux rôles modèles. Par rôle modèle, je n’entends pas Wonderwoman ! Je pense à des femmes qui en inspirent d’autres, qui montrent que c’est possible, qu’on peut y arriver sans forcément sacrifier sa vie privée.

Je promeus aussi le mentoring. Dès le collège, le lycée, au moment où les filles seraient tentées de lâcher les maths, le sport, toutes les activités mixtes qu’elles ont pratiquées avec autant d’aisance que les garçons jusqu’à l’adolescence, il est important qu’elles soient entourées de figures féminines qui les encouragent et les guident. C’est en ce sens qu’avec l’association 1001 entrepreneurs, j’ai fait quelques interventions devant des classes de Terminale. Plus tard, dans la vie professionnelle, le mentoring est essentiel pour faciliter le réseautage.

Que pensez-vous des programmes de leadership au féminin ? Est-ce que les hommes n’ont pas eux aussi besoin de se former au leadership ?

Le leadership n’a pas de genre et tout le monde a besoin de s’y former. Les programmes de leadership au féminin sont utiles pour conscientiser la posture. Le leadership, c’est incarner la personne que l’on a envie de suivre et c’est exercer une capacité à embarquer dans le collectif.

Le vrai leadership est assez éloigné de la posture du dirigeant paternaliste et territorial. Le leadership est davantage en résonnance avec ce que l’on appelle des qualités « féminines ». En réalité, les qualités dont on parle n’ont pas de genre : ce sont les fameuses « soft skills ».

Les « soft skills » sont-elles suffisamment prises au sérieux, aujourd’hui, dans les entreprises ?

On en parle énormément dans les entreprises, à raison. On dessine le portrait du manager d’avenir en individu doté d’une bonne intelligence émotionnelle et relationnelle. Mais force est de constater que ce n’est pas la première question que l’on se pose quand on recrute un dirigeant. On cherche encore l’expert, la figure d’autorité. Et cela est encore plus marqué en temps de crise, avec un vrai repli sur les travers virilistes. Cela semble rassurer, au premier abord… Mais dans les faits, c’est dans les périodes de turbulences qu’on a le plus besoin de flexibilité, de sens du collectif, de capacité à comprendre de multiples points de vue…

Comment agir pour en finir avec ce paradoxe ?

Il faut que la valorisation des soft-skills, comme celle de la parité, soit portée au plus haut niveau par les dirigeants. Cela passe par l’incarnation et l’exemplarité, par la tolérance zéro face aux comportements déviants et par la conduite de la transformation culturelle de l’organisation. La valorisation des soft-skills est un projet global de transformation d’entreprise. Cela amène à repenser l’identification des compétences, le fonctionnement des équipes, les parcours professionnels, la rémunération… Et les indicateurs de mesure, bien entendu. Car la transformation d’une organisation passe par ce qui est valorisé dans cette organisation, ce qui est objectivé et ce qui est récompensé.

Abonnez-vous à
notre newsletter !

Recevez chaque mois inspirations, actions et actualités pour faire avancer l’égalité au sein du groupe La Poste.