Podcast du mois : ce que la primatologie nous apprend sur la différenciation de genre

On a coutume de regarder la primatologie comme une discipline de la biologie, amusante et fascinante. L’étude des grands singes nous séduit d’autant plus que nous voyons dans les comportements de ces « anthropormorpha », selon le mot de Linné, le miroir satisfaisant de la nature humaine. Satisfaisant à double titre : pour nous pardonner nos bestialités puisque nous ne serions jamais que les cousins d’animaux sauvages (avec lesquels nous avons 96% de patrimoine génétique en partage) et pour nous flatter de notre humanité car nous serions quand même la branche la plus évoluée de la grande famille. Aussi, la primatologie est volontiers appelée au secours des débats nature/culture, notamment s’il faut assommer la sociologie et toute forme d’approche structuraliste et faire triompher la naturalisme et l’essentialisme.

Mais voilà que la primatologie vient nous chercher sur le terrain de la lutte contre les stéréotypes. Frans de Waal, auteur de plusieurs ouvrages remarqués sur l’empathie dans le règne animal, nous révèle en effet que les comportements des singes sont davantage dépendants de l’environnement dans lequel ils évoluent que d’une nature profonde qui serait liée à leur espèce. Ainsi, leurs préférences pour des jouets « genrés » (une petite voiture ou une poupée qu’on leur tend pour observer si femelles et mâles ont des attirances identiques ou différentes) serait plus en relation avec leur désir d’interaction avec l’humain qui leur fait la proposition qu’avec une fondamentale appétence. Si le singe perçoit des signaux, même faibles et évidemment inconsciemment envoyés par l’humain qu’il est attendu sur un comportement genré, il tend à performer ce comportement. Mais alors, sans intervention humaine, est-ce que les singes ont des préférences genrées ? De Waal nous apprend qu’en pleine nature, femelles comme mâles chimpanzés s’emparent de pierres qu’ils bercent avec tendresse. Mais les femelles le font en effet plus souvent que les jeunes mâles. Et tous, surtout, le font davantage s’ils sont dans un environnement très sécure ou au contraire très insécure. En d’autres termes, les comportements sont plus genrés quand les primates ont trop de confort et trop d’inconfort. Ils sont plus neutres dans un environnement équilibré.

Si vous voulez aussi en apprendre sur la façon dont les grands singes régulent les comportements de harcèlement sexuel, dont ils pratiquent l’adoption de petits orphelins, dont ils traitent les individus non-hétérosexuels, filez écouter ce podcast de la Terre au Carré sur France Inter. Vous ne verrez plus jamais pareil l’argument du « biologique ».

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