Crise sanitaire : corrélation mixité/performance des entreprises

Le constat était déjà là avant la crise: plus l’égalité entre les hommes et les femmes est forte au sein des entreprises, plus celles-ci réalisent de meilleures performances boursières. Et la crise inédite des places financières consécutive à l’épidémie de Covid-19 a renforcé cette démonstration, selon une étude analysant les performances des entreprises du CAC 40, réalisée par Michel Ferrary, professeur à l’université de Genève et à Skema Business School, responsable de l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises, et Stéphane Deo, stratégiste pour La Banque Postale Asset Management.

Le cercle vertueux mixité/performance

La performance sociale d’un groupe (qualité de vie au travail, coopération, diversité et inclusion, entre autres) permet d’améliorer sa performance économique, qui donne les moyens d’améliorer à son tour la performance sociale : voilà un cercle vertueux cohérent qui se pose régulièrement en argument d’autorité des plaidoyers pour plus de diversité et de mixité en entreprise.

Depuis une vingtaine d’années environ, de nombreux indicateurs ont été élaborés pour valider l’hypothèse de ce postulat vertueux entre performance sociale (rapportée à des critères de mixité) et performance économique (rapportée à des indices boursiers et financiers) :

  • L’analyse « Diversity Matters » publiée par McKinsey en 2015 a par exemple fait ressortir une corrélation statistiquement significative entre une équipe de leaders diversifiée et une meilleure performance financière, les entreprises situées dans le premier quartile en termes de mixité femmes/hommes étant ainsi 15% plus susceptibles d’avoir des rendements financiers au-dessus de la médiane nationale de leur secteur.
  • Une étude mondiale du Peterson Institute for International Economics ayant passé en revue 21 980 entreprises issues de 91 pays en 2016 montre des résultats similaires : si la corrélation entre performance de l’entreprise et part des femmes dans le conseil d’administration existe, elle reste relativement faible. En revanche, la corrélation entre la présence de femmes à des postes de direction et la performance économique de l’entreprise est, elle, particulièrement forte.

L’expérience de la crise sanitaire en France a-t-elle validé cette corrélation vertueuse ?

Oui ! C’est le constat d’une étude de Skema Business School et de la Banque Postale Asset Management publiée en juillet 2017.

Contrairement aux études précitées, celle de Skema Business School/Banque Postale AM ne s’est pas contentée de regarder la présence des femmes dans « le haut du panier » mais a aussi pris le soin d’observer les taux de mixité sur les postes d’encadrement.

Le résultat est sans appel : entre le 1er janvier et le 30 juin 2020, les 10 entreprises les plus mixtes du CAC40 (54,3% en moyenne de femmes cadres) ont surperformé le CAC40 de 1,5 point ; alors que les 10 entreprises « mauvaises élèves » (16,8% de femmes cadres en moyennes ») ont sous-performé le CAC40 de 8,8 points !

Plus spécifiquement, alors que le CAC40 a globalement enregistré une chute de 16,2% de son indice de référence, cette chute est limitée à 14,7% pour le portefeuille « Diversité » alors qu’elle plonge à -25% pour le portefeuille « Moins féminisé ». À Michel Ferrary, responsable de l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises, de conclure : « Clairement, la parité agit comme une option de couverture sur les risques ».

Une corrélation en question

Peut-on pour autant déduire de ces études que plus il y a de mixité femmes/hommes au sein des entreprises et plus celles-ci réalisent de meilleures performances financières ? Non.

  • D’une part, parce que ces études mettent en évidence un indice de corrélation. Cet indice permet de constater la présence ou l’absence de relation linéaire entre deux items quantitatifs continu, mais il ne dit rien du rapport de cause à effet. Est-ce la mixité F/H qui améliore la performance financière ou est-ce la performance financière qui permet à l’entreprise d’innover socialement en féminisant ses effectifs ? Ou bien la performance sociale et la performance financière sont-elles stimulées par une troisième variable non évaluée ?
  • Cette dernière question met en valeur la deuxième limite du raisonnement de ces études : il est un peu trop rapide de déclarer que la présence des femmes dans les postes de direction et d’encadrement génère de facto une bonne performance financière dans la mesure où cette dernière est éminemment multifactorielle.

Christine Lagarde avait-elle donc tort de déclarer en 2018 : « Si Lehman Brothers s’était appelée Lehman Sisters, la situation des banques en 2008 aurait été bien différente » ? Oui et non. Disons que la formule la plus correcte serait la suivante : « Si Lehman Brothers s’était appelée Lehman Brothers & Sisters, la situation des banques en 2008 aurait été bien différente ».

Ce n’est en effet pas la présence féminine en soi qui impacte la performance, mais bel et bien la mixité. Une étude de Sodexo réalisé en 2018 a ainsi mis en évidence que les équipes managériales mixtes (ratio femmes/hommes de 40% à 60%) présentent des résultats optimaux par rapports aux équipes où l’un des sexes prédomine. On peut logiquement en déduire que c’est bien la diversité, lorsqu’elle est harmonieusement mise en musique, qui génère la performance économique !

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